Bien souvent je revois, sous mes paupières closes,
La nuit, ma belle cathédrale, bâtie telle une rose,
Ma cour tout embaumée par les senteurs d'automne,
Ce « moyen-pont » qui nous mène à l' église quand cloche sonne,
Nos fontaines, les vieilles maisons, les musées qui nous comblent,
Le ciel de mon enfance, où volent les colombes,
Les larges rues pavées où l'on m'a promené
Tout petit, la grande maison où je suis né !
La rue Paul Besançon, la porte Serpenoise
La rue du petit-Paris, la place du marché !
Celle de République, son vieux jardin anglais :
L'Esplanade, avec ses grands bosquets,
La rue des Clercs, avec ses petits troquets
Et puis les Trinitaires, la caserne des pompiers,
La rue des Jardins, dont on voyait les arbres
S'agiter sur les toits, se balancer au loin,
Semblant saluer ceux du Saint-Quentin,
La digue de la Pucelle, nos jeux sur la Moselle,
La rue des roches, le quai du Raimport, le pont des morts !
Je le revois, ce temps, quand tout était si rose,
Ces jours anciens qui font revivre les choses,
Les chiens, les gens, et bien des sentiments jamais oubliés,
Comme si, de ma fenêtre grande ouverte, tout s' était engouffré,
A l'intérieur de ma chambrette, là où je sommeillais…
Le vent qui soufflait m'avait enlevé, posé sur la tour magistrale,
Et de là-haut je régnais, roi sans royaume, dans les éclairs et les rafales !
J'étais prince de la Haute-croix, duc de Notre-Dame !
Comte de Saint-Vincent, Belle-Isle était ma dame,
Et ma demeure à moi, était sise en Saulcy !
J'étais l'enfant de ma ville, et tout Metz était en moi !
Sans éteindre cette flamme qui me cause tant d'émois,
Par delà la France, j'ai pris une autre route, d'autres chemins,
Mais je sais que, à l'intérieur de moi-même, dedans moi,
Le cœur, qui continue à battre, lui, est bien resté messin,
Et que mon âme flotte, voguant sur la Moselle…