Au Moyen-Âge, la cité messine eut une puissance comparable à celles des riches villes d'Italie ou de Flandres : son commerce, axé sur les marchés du Rhin et du Danube et des villes de foire lui permit de devenir le carrefour régional, en ce qui concerne les vins, aux dépens des Toulois ; les céréales, les bestiaux, qui étaient vendus vers Liège et l'Allemagne, la laine vers les Pays-Bas, ainsi que les produits de transformation issus de ses tanneries ou de ses drapiers en firent une ville de foire très prisée et incontournable.

Plus de soixante corporations se formèrent dans la ville, dont celle des puissants changeurs, située en Place du Change, qui dominait le commerce de l'argent de l'Argonne aux Vosges et jusque dans le pays de Trèves et le Luxembourg. Ces diverses corporations ont d'ailleurs donné leurs noms à certaines des rues messines. C'est pourquoi, aujourd'hui encore, certaines des artères se nomment : rue des Huiliers, rue des Tanneurs, en Chaplerue, Fournirue, ou encore place des Charrons.

Chaque corps de métier avait un règlement sévère et minutieux qui définissait les moindres détails de la vie professionnelle, fixait les procédés de fabrication, la nature et la qualité des matières premières à employer, les horaires de travail (qui variaient avec les saisons), les salaires, les conditions de vente, les prix et les moyens de se protéger contre la concurrence des artisans des autres cités ! Les Jurés, élus par les maîtres artisans, étaient chargés de faire respecter le règlement, de punir les contrevenants, de détruire les marchandises défectueuses en place publique et de décerner ce qu'on appellerait aujourd'hui un label qui autorisait la vente publique ! Ils jugeaient aussi les chefs d'œuvre qui tenaient lieu d'examens de maîtrise.

Les corporations tenaient un rôle important dans la vie de la cité : chacune d'elles devait assurer le guet et la défense d'une tour ou d'une partie du mur d'enceinte de la cité. Elles s'occupaient également de la politique communale ; la corporation des bouchers était des plus hardies dans ce domaine.
Cette puissance permit aux messins de se libérer de la seigneurie épiscopale.

 

La guerre des Amis leur permit de marquer une victoire sur l'évêque Jean d'Apremont en 1234.

Le patriciat des cinq Paraiges ou groupements lignagers assura le gouvernement de la cité en se réservant la majorité des places dans les magistratures urbaines, ce qui donna des idées aux villes environnantes qui essayèrent de copier, sans y parvenir, le modèle messin, et donna lieu à la formation d'alliances, comme celle avec formée avec les Toulois en 1250, contre leurs évêques. Ils réussirent, après bien des efforts, à chasser l'évêque, qui se retira à Vic.

Metz libérée devint alors une véritable république indépendante, gouvernée par les anciennes familles, nobles et riches, qui étaient groupées elles-même par cinq familles et possédaient le pouvoir : les Paraiges.
Pour être à l'abri de la dictature, toujours possible, d'un de leurs membres, ceux ci adoptèrent une organisation municipale très habile : les membres étaient choisis dans leurs rangs, mais leur mandat ne durait qu'une année. Ce gouvernement se composait du Maître Echevin, du conseil des treize et du grand conseil.

Le maître Echevin, élu chaque année le jour de la saint Benoît, représentait la cité, signait les traités, veillait à l'établissement des lois et à leur exécution (« atours »), contrôlait les magistrats et commandait la police. Lors de la visite d'éminents personnages, comme celles de l'Empereur, son suzerain, il restait couvert ! Il était assisté du conseil des treize, élu d'une chandeleur à l'autre, qui dirigeait les commissions, composées de sept membres, qui s'occupaient de chaque secteur de l'administration locale : il y avait les sept du trésor, les sept de la guerre, les sept des moulins, les sept des rivières et du pavé, les sept des fortifications, les sept maistres de l'hospital, qui étaient considérés comme des ministères.

La République messine avait son sceau, sa monnaie, sa maison commune, située en face de la cathédrale, son beffroi : la tour de la Mutte, sa milice ; le service militaire était obligatoire en temps de guerre. Grâce aux activités de ses 30000 habitants et à l'habileté politique de ses Paraiges, Metz était une puissance avec laquelle les princes du voisinage devaient compter.

Au niveau culturel, Metz fut jusque vers 1400 le principal centre, la région n'ayant pas encore d'université. Dès 1199, les Messins pouvaient lire des traductions de la bible en « roman », un dialecte lorrain de l'époque ! Les Messins s'en servirent même pour rédiger certaines de leurs chartes.

Gossuin, moine de l'abbaye de Saint Arnoult, auteur du poème encyclopédique sur « l'image du monde », Hervis de Metz, auteur parmi d'autres de la « geste des lorrains » (un roman courtois qui raconte les exploits fabuleux de Garin le Loherain : 10000 vers en cinq poèmes épiques ; l'action se déroule sous le règne de Charles Martel et de Pépin le Bref ; il est question des rivalités de deux seigneurs, l'un Messin, l'autre bordelais (Hardré le Bordelais) et de leurs descendants qui épousèrent leurs querelles), nous renseignent sur les mœurs de cette époque !

De nombreux trouvères, dont les plus connus sont Aubertin des Arvols et Colin Muset, qui allaient de foires en châteaux chanter pastourelles, chansons de geste et chansons d'amour, témoignent de l'esprit de curiosité intellectuelle qui habitait les habitants de cette époque.

S Au XIVème siècle, de longs mystères se jouaient sur plusieurs jours en plein-air, côté Place Saint-Étienne ou Place de Chambre. Ils avaient pour sujets : «la Passion», «jeu ou révélation de l'Apocalypse de saint-Jean», «miracles de saint-Michel», «Mystères de sainte Barbe», «sainte Catherine», «saint Nicolas», «saint Clément» ou «la vie du Christ». C'étaient les bourgeois, les artisans ou les clercs qui tenaient et jouaient avec conviction les divers rôles : on raconte qu'un dénommé Nicole, qui représentait le Christ, «cuyda mourir à l'arbre de la croix, car le cœur lui défaillit tellement qu'il eût été mort s'il ne fust secouru…»

Le plus célèbre de tous ces auteurs fut Philippe Gérard, dit de Vigneulles, dont nous parlerons plus précisément plus tard.

Dans les arts, l'influence champenoise, à travers la reconstruction de l'église Saint-Martin, et plus encore, dans la construction de la nouvelle cathédrale, commencée vers 1220, ainsi que l'abbatiale Saint-Vincent, entre autres, témoigne de ce qu'apporta la richesse de cette époque, car de nombreuses abbayes virent le jour, qui réunissaient autour de leur église une bibliothèque, une école, une aumônerie, une infirmerie, et souvent des terres !
On y recopiait des manuscrits, on en traduisait d'autres.

En 1324, un poète messin célébrait en ces termes les richesses de Metz : « Qui pourrait dignement décrire cette cité qui est si noble ? Non, il n'y a pas jusqu'à Constantinople, quelque part que ce soit, une cité plus riche et prospère ».