En 1961, monsieur Louis Gennesson
et mon père, Fernand Hanen, faisaient paraître dans le Pays Lorrain
et le Républicain Lorrain des articles ayant trait à un des monuments
messins les plus méconnus des citoyens de la ville même... Et pourtant pas
des moindres !
Sachez,
Mosellans, Messins, que le grand amphithéâtre construit dans le « quartier des
basiliques » de l'époque, qui s'appelle aujourd'hui « le Sablon », était, dès
la fin du 1er siècle, le plus grand amphithéâtre des cinquante qui ont été construits
dans les « Trois Gaules » (Tres Gallicae), bien plus grand que les deux seuls
rescapés de cette époque, dont on peut encore admirer l'architecture à Nîmes
et à Arles !
En fait, si l'on voulait avoir une image plus précise de ce que fut ce monument,
il faudrait se rendre en Italie, à Vérone, plus précisément.
Imaginez un bâtiment, en forme
d'ovale régulier, dont le petit axe, qui s'étendait du nord au sud, était
de cinquante huit mètres de longueur, son grand axe, perpendiculaire au premier,
orienté est-ouest, était de 124 mètres ! L'arène proprement dite mesurait
65 sur 41 mètres ! Sa superficie était d'un hectare et demi…
Pour nous mieux rendre compte de son gigantisme, superposons l'ensemble sur
la Cathédrale Saint-Etienne, plus immense monument de la capitale de
la Lorraine à l'heure actuelle : le grand axe dépasserait la longueur
totale de la Cathédrale (122,32 m depuis le bas de la nef jusqu'au fond de
la chapelle derrière le chœur), et le petit se prolongerait sur une ligne
extérieure de près de 60 m, qui atteindrait, d'un côté, le perron de l'hôtel
de ville, et de l'autre côté, le milieu de l'actuelle place de Chambre !
Il avait trois étages d'arcades superposées, soit une hauteur approximative
de trente mètres de haut pour la façade.
Les souterrains Nord de
l'amphithéâtre
Les
restes de l'enceinte et des murs retrouvés en 1902, lors des travaux engagés
pour la construction de l'actuelle gare messine, ont permis de reconstituer
le plan des constructions : 76 arcades, une série de 50 gradins de haut faisant
estimer la capacité d'accueil à 25 000 personnes ! (ce qui, par déduction, donne
une estimation de la population de Divodurum : au moins cent mille personnes
!...)
L'amphithéâtre du sablon, dit « le grand amphithéâtre », était le septième par
la taille, des monuments de ce genre !
Si la légende attribue l'honneur de cette construction à un chevalier Troyen
nommé Arenus, si Jean le Châtelain attribuait sa fondation et son
inauguration à l'empereur Auguste lui-même, la date réelle de sa construction
reste indéterminée, mais des indices laissent croire que ce fut sous le règne
de l'empereur Vespasien, vers la fin du premier siècle, par des éléments de
la 21ème légion.
La 21ème légion, dite légion " rapax ", composée de gens de la populace, était
digne de son surnom, autant par ses instincts pillards que par son entrain :
créée et réorganisée par Auguste, après le désastre de Varus, elle était une
de ces huit légions cantonnées sur les bords du Rhin, chargées de défendre les
frontières de l'Empire.
Sous les ordres de Végésonius, un magistrat médiomatrice de la ville qui avait
obtenu l'autorisation de latiniser son nom, on peut estimer à 6000 hommes de
cette légion, le nombre de centurions, soldats, vexillaires et auxiliaires qui
furent affectés à l'extraction des pierres, dites " grandes oolithes blanches
" des carrières de Norroy, près de Pont-à-Mousson, qui servirent d'ailleurs
également à la construction de l'aqueduc
de Jouy.
Avec les années, les invasions (Huns, Vandales), les destructions partielles
qu'elles entraînèrent, la montée du christianisme et la désaffection des gens
pour les jeux du cirque, et, peut-être les conséquences du tremblement de terre
dont parle Philippe de Vigneulles vers la fin du Moyen-Âge, la nécessité de
reconstruire des murailles pour se défendre, des églises pour satisfaire les
ordres religieux, la nécessité aussi de raser au-delà des murs pour dégager
les champs de bataille, tombé dans l'oubli, enfoui même au point d'être sorti
des mémoires, il fallut attendre le déménagement de
L'entrée extérieure,
au niveau de l'aile sud
Coupe du Grand Amphithéâtre
de Metz
l'ancienne gare, au début du siècle dernier et le réaménagement de l'actuelle
gare de triage pour remettre au jour, hélas, de manière temporaire, ce qui avait
été un des fleuron de la grande cité des Médiomatriques gallo-romains...