Le nom de « Theodonis villa » apparaît pour la première fois durant le règne de Pépin, quand ce dernier apprend l'arrivée en France du pape Etienne III, qui vient solliciter l'appui du nouveau roi dans son combat contre les Lombards.
Par cette action, ce pape légitime ainsi une usurpation du trône très récente, et, à Thionville, le chef de la dynastie Carolingienne peut se considérer comme le vrai souverain des Francs.
Dès qu'il est en possession des lettres de ce pape, Pépin lui envoie son fils aîné, Charles, puis il se rend à Pontigo, à sa rencontre.

On devine, qu'à cette époque, ce ne fut pas à Thionville que Pépin reçut le pape; la ville que nous connaissons aujourd'hui était alors bien moins étendue, et probablement que le terme de « villa » cernait assez exactement la vérité du
moment !
On peut s'imaginer ce qu'était alors une de ces maisons royales, dont l'administration occupait si vivement les princes Francs. Il s'agissait probablement d'une vaste enceinte renfermant de nombreuses habitations, les unes, contenant des granges, des étables, des remises pleines d'instruments destinés aux labours des terres, étant destinées aux serfs, tandis que les autres offraient le logement et les ateliers aux cardeurs, tisserands, serruriers, charpentiers, fondeurs, artisans de toute espèce dont le travail était entièrement dévoué au bien-être du roi et à sa satisfaction.
Au centre de toutes ces constructions, s'élevait la plus grande : le palais royal et ses annexes qui étaient occupées par ses principaux officiers. Tel devait être l'aspect de Thionville quand elle fut cédée à Carloman lors du partage qui eût lieu entre les fils de Pépin !

Carloman étant mort en 771,Charlemagne ne respecta pas les droits de ses deux enfants, et se fit reconnaître comme le seul roi des Francs et héritier de la part qu'il ravissait à ses neveux : il devint ainsi l'heureux propriétaire deTheodonis Villa, qui, dès lors, se développa très vite.

Charlemagne à cheval
Statuette du trésor de la cathédrale de Metz
Exposée au Musée du Louvre

 

Ses habitants n'étaient pas tous des serfs, y vivaient également des hommes libres qui recherchaient, à l'abri des murs, la protection et la compagnie du prince, et enviaient de faire partie de sa maison, de sa famille, comme le signifiait le mot latin !

Thionville était une des résidences favorites de Charlemagne et acquit, de ce fait, une extension plus conséquente qu'aucun autre domaine du même genre : en 754, Theodonis Villa avait du paraître un peu petite à Pépin pour recevoir le pape ; en 775, une assemblée générale s'y réunit !

On connaît de façon précise quelques-unes des époques où Charlemagne résida à Thionville. Il y était en 772, avant la terrible guerre qu'il entreprit contre les Saxons et qui dura trente trois ans ; il y revint avant sa première campagne contre Witikind.

Didier, roi des Lombards, désirait se venger de l'insulte que Charlemagne lui avait faite en lui renvoyant sa fille après une année de mariage ; comme il avait accueilli la veuve et les fils de Carloman, il avait fait pression sur le pape Adrien 1er pour les sacrer roi des Francs. Le pape ayant averti Charlemagne de ces manigances, celui-ci quitta Thionville en 773 pour se porter, avec son armée, en Italie, défaire le prince lombard, le faire prisonnier, le reléguer dans un cloître, et s'octroyer « la couronne de fer » que, mille ans plus tard, Napoléon devrait aussi porter !

En 775, Charlemagne convoqua à Thionville, une assemblée générale, telle qu'il s'en tenait annuellement. Durant ces réunions, les « Capitulae », lois rédigées par le prince sous l'inspiration divine en fonction des nécessités qui lui apparaissaient entre deux assemblées, étaient soumise aux délibérations des nobles du royaume.

 

La belle et large rivière Moselle, le climat tempéré de la région, de riches plaines bordées par des côtes pittoresques, et surtout d'immenses bois, giboyeux à souhait, expliquent la prédilection de Charlemagne pour ce lieu ! Il pouvait s'y livrer à de formidables parties de chasse ! Les forêts de la région, jusqu'à celles des Ardennes, furent le théâtre, pour l'épopée carolingienne, l'équivalant de ce que fut la forêt de Brocéliande pour la geste du roi Arthur ! Tout Thionvillois bien né connaît cette fameuse « Tour aux puces », dans laquelle le roi faisait garder ses meutes de chiens, entre deux chasses...
Ci- contre : la Tour aux Puces

En 782, Charlemagne marcha de nouveau contre les Saxons.

Cette date est une tache de sang dans son histoire : celle du massacre de Verden ! (4500 Saxons sont passés par les armes, en représailles, parce qu'une armée franque avait été surprise et taillée en pièce sur la rive orientale de la Weser, au pied du
Süntelgebirge !).
Au retour de cette expédition, Charlemagne passe par Thionville, y passe les fêtes de Noël et celles de Pâques.

C'était à cette période que les administrateurs des maisons royales, qu'on appellerait aujourd'hui des intendants, venaient soumettre au roi l'état des récoltes et des denrées emmagasinées, en blé, vins, fourrage. Le prince déterminait alors de ce qui pouvait être vendu, et estimait l'état de ses revenus.

Durant ce séjour, Charlemagne perdit son épouse Hildegarde, qu'il avait épousée peu de temps après avoir répudié Désidérade, la fille de Didier. Hildegarde mourut le dernier jour d'avril, et fut ensevelie dans l'abbaye Saint Arnoult de Metz.
Le roi offrit la terre de Comittum (Cheminot) à cette abbaye, sous la condition que des lampes brûleraient jour et nuit devant le tombeau de la reine et qu'à perpétuité on dirait des messes pour le repos de son âme.

Dans les temps de repos qu'il prenait, à Thionville, Aix la Chapelle ou ailleurs, Charlemagne ne s'occupait pas seulement de l'administration du royaume, de la gestion de ses terres : Le roi des Francs avait le goût des sciences et des lettres !

De Thionville sont datés de l'année 805 trois capitulaires qui révèlent les penchants studieux du roi.
On y lit que Charlemagne ordonne « qu'on lise distinctement les leçons de l'église, que chaque évêque aie un secrétaire qui sache correctement écrire, que tout le monde apprenne l'arithmétique, que la médecine soit enseignée aux enfants, et que la prédication se fasse de telle sorte qu'elle soit toujours comprise du peuple ».

L'année suivante, Charlemagne se rendit dans les Vosges et traversa Thionville au mois de juillet ; il y revint passer les fêtes de Noël. C'est à cette occasion, qu'ayant auprès de lui ses trois fils, Charles, Pépin et Louis, il convoqua une assemblée générale des grands de ce qui était devenu l'Empire et déclara sa résolution de partager ses états entre ses enfants.
Charlemagne présenta l'acte signé de sa main aux grands : tous y souscrivirent, sauf la destinée ! Des trois fils de Charles, un seul lui survécut, ce fut Louis le Débonnaire...

Métis aussi connut sous le règne de cet empereur une grande renaissance : la ville était célèbre pour ses écoles d'où sortirent de beaux manuscrits, richement enluminés et dont les couvertures sont décorées d'ivoire finement sculptée.

Page suivante